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Au Dandelion, à Paris, « les pichenettes acides des groseilles parmi le maïs croquant et les coquillages moelleux ont plié le jeu »

S’extraire des 25 mètres de profondeur du RER A à Nation, s’égarer dans le dédale de couloirs et de sorties débouchant sur la douzaine d’avenues qui rayonnent autour de l’ancienne place du Trône : même quand on pratique Paris depuis des décennies, on est parfois envahi par un découragement très urbain. Tenace, celui qui s’accroche encore quand on remonte le boulevard de Charonne au son des motos pétaradantes et des mugissements des camions poubelles.
En remontant la rue des Vignoles, le paysage se transforme déjà. Les immeubles cèdent la place aux maisonnettes, on n’est plus dans le Paris d’Haussmann ni dans celui de Pompidou. Au numéro 46, la rue se sépare en deux, créant l’espace nécessaire pour une placette pavée plantée de platanes. C’est là qu’a ouvert le 1er mai le restaurant Dandelion. Ce soir d’été, la terrasse est ouverte, des tables de deux génèrent un murmure contenu parfois troublé par des cris de mouettes. Avec un peu d’imagination, on pourrait se croire dans le Sud, près de la mer, loin d’ici.
La sensation qu’on est sur le point de passer une très bonne soirée se poursuit à la lecture de la carte, courte et séduisante. Quatre grignotages apéritifs, autant d’entrées, trois plats, un fromage, deux desserts. On passe déjà commande d’olives vertes Cerignola, charnues et croquantes, pour se concentrer sur l’essentiel : thon blanc de Méditerranée, eau de tomate fumée pimentée et tagète en entrée ? Ou poivrons rouges confits, œufs de truite et faisselle de chèvre ? Chaque plat semble assurer le juste équilibre entre produits familiers et associations intrigantes.
On sait qu’on peut compter sur le talent du chef Antoine Villard, ancien second du bistronomique Septime, à Paris, qui s’est exercé à la cuisine sous influences asiatiques de Double Dragon. Il a aussi travaillé à Stockholm et à Bruxelles. Avant de s’installer à son compte, il a été chef volant pendant plusieurs années, a dû s’adapter aux demandes de marques, d’hôtels, de particuliers. C’est peut-être ce qui frappe le plus dans ce menu : même s’il est concis, il prend le temps de séduire le carnivore, le végétarien, l’amateur de poisson fin. Les papilles aventureuses comme les plus peureuses.
On pourrait détailler à quel point l’encornet de ligne avec sa fine lamelle de lard frise la perfection. Combien cette tendre canette est dépaysée par les aubergines barbecue au saté de crevette et poivre vert. Mais c’est encore cette modeste entrée de maïs doux à la tomate confite, moules de bouchot et sauce à l’amontillado qui a laissé le souvenir le plus ému : les grains croquants, le moelleux du coquillage, la fraîcheur de la tomate, la salinité du vin de voile… et, surtout, ces groseilles en embuscade, ces pichenettes acides qui ont plié le jeu. Dans le RER du retour, quelque part dans les entrailles de la capitale entre Nation et gare de Lyon, on y pense toujours.
Maïs doux à la tomate confite, 13 €. Repas à la carte autour de 60 €. Dandelion, 46, rue des Vignoles, Paris 20e. restaurantdandelion.com
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Elvire von Bardeleben
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